« J’ai la mémoire qui flanche, je m’souviens plus très bien… » chante Jeanne Moreau (sur les paroles de Serge Rezvani), « Tu te souviens des jours anciens et tu pleures…. Tu te souviens des jours heureux et tu pleures, » écrit Serge Gainsbourg !
Nous avons accès aux souvenirs bons ou mauvais, de notre vie. Soit nous les recherchons : « je me souviens quand…. », soit « ils » nous reviennent par un mot, par une odeur, un bruit, une évocation…
On parle à ce moment-là de souvenirs revenus au niveau conscient.
Mais comment se constitue la mémoire ? Je tente d’esquisser en un paragraphe l’extraordinaire complexité du cerveau humain que les savants, les philosophes n’auront jamais fini de découvrir…
Il y a la mémoire immédiate, d’une durée brève (30 à 40 secondes) : elle permet par exemple de retenir un numéro de téléphone le temps de le composer.
La mémoire à court terme, qui dure de quelques minutes à quelques heures. Elle est comme en attente.
Enfin la mémoire à long terme implique le transfert des informations dans le néo cortex (la matière grise), où elle semble archivée en plusieurs connexions neuronales après un enregistrement préalable par la mémoire immédiate ou à court terme. En effet, la mémoire ne dispose pas dans le cerveau d’un emplacement sable, comme on range des photos dans un album….
Certains auteurs affirment que ces opérations de codage et de transfert en vue de la conservation des souvenirs de la journée se feraient au cours de la nuit, pendant les rêves….
Mais, très important, le cerveau limbique qui participe à l’enregistrement de la mémoire (apprentissage, expériences, évènements…) associe fondamentalement la mémoire et l’émotion. Dans la mémoire, une expérience agréable sera associée à du plaisir, et une expérience difficile sera associée à du déplaisir. Ainsi dans le présent, toute manifestation émotionnelle tend à faire émerger des souvenirs associés, et de même tout souvenir marquant est accompagné de l’émotion correspondante, même si le contexte est tout différent.
A la différence des vestiges d’un temple antique, figés dans le temps, nos souvenirs ne sont ni fixes ni finis, ils sont reconstitués par le présent ! Quelle étrange affirmation ! Même si on se questionne avec précision, nous ne nous souvenons que d’une infime partie de notre expérience passée. Et en nous la remémorant, nous la façonnons de manière à ce qu’elle corresponde à l’idée que nous avons de nous-mêmes aujourd’hui.
Autrement dit, la réalité historique et la réalité psychologique des faits sont distinctes.
Par exemple, je me réconcilie avec une amie d’enfance. Je vais alors « revisiter » les souvenirs que j’ai d’elle. Avant notre réconciliation, je me souvenais d’une fille égoïste et suffisante. Cela me confortait dans l’opinion que j’avais d’elle, dans sa responsabilité de notre brouille. Après l’avoir retrouvée, je vais aussi me remémorer les bons moments passés avec elle, ses gestes généreux et sa gaieté que j’avais occultés. Aujourd’hui, ils me sont accessibles ! Ainsi je vais intégrer ma nouvelle expérience et l’émotion associée (la réconciliation) à mes souvenirs et les modifier pour les rendre conformes à ces nouvelles donnes.
Alors cela permet de dire que le passé s’écrit aussi au présent !
Chantal Delourme, Gestalt Praticienne
Article réalisé avec LA GESTALT, UNE THERAPIE DU CONTACT, Serge Ginger, Hommes & Groupes Editeurs 7ème édition 2006